Un étrange rictus s'était saisi de mes lèvres.Il devait s'y plaire et avait décidé d'y rester.
Ma lèvre supérieure s'était rabattue sur celle du dessous à l'image d'un bec.J'étais en froid avec le bonheur depuis quelques temps c'est vrai.Il m'avait posé plusieurs lapins et j'avais juré de ne plus jamais le revoir. On s'était pourtant donné une deuxième chance ici, au pays de la pluie qui ne mouille que les cons.
Je caressais le chat sur mes genoux qui attendait que je relâche mon étreinte pour aller rien foutre ailleurs.Je pressais sa truffe froide et humide qui avait l'air de fondre comme un glaçon en oubliant qu'il avait flairé son étron cinq minutes avant.
Il était con ce chat.Pas calin pour un sou, mais on pouvait en faire ce qu'on voulait.Stoïque.Il aurait eu sa place à l'ombre du portique de Zénon.
Désormais loin du tumulte de la ville dans ce trou provincial, une sorte d'angoisse m'assalliait à l'idée de ne plus pouvoir faire machine arrière.Ici, ce calme violent me cassait parfois les oreilles et me mettait hors de moi. La ville me manquait.
J'étais en phase descendante de l'imtermittent du spectacle.Pas en prod.Comme je m'emmerdais sévère je décidais d'aller voir s'il y avait du courrier dans la boîte.La vraie boîte de la vraie vie. Celle qu'on bourre de vrais prospectus collants.
Dans l'escalier je fis aussitôt demi-tour car dans l'entrée, la plume de pigeon n'avait pas bougé.Elle était là depuis une bonne semaine.Une éternité.Lorsque celle-ci avait changé de place, elle annonçait que le facteur était entré et avait remué l'air de ses gros gestes. Je devais réceptionner un colis de la plus haite importance. Une licorne de collection que ma fille désirait plus que tout au monde. Toujours rien.
J'en informais sans tarder le service client avant d'aller skater.
Dans ce gros village moussu, La sess (abr. de "session" dans le jargon skateboardistique) se déroulaient ainsi:
Serrage de vis de trucks, enfilage de bonnet pour récolter la sueur et petite marche de cinq minutes pour sortir du quartier historique napé de pavés impratiquables.Rien en poche ou presque. J'avais pris l'habitude d'aller rouler en mode "ma bite et mon couteau" c'est à dire avec mon skate et ma carte d'identité que j'avais décidé d'avoir toujours sur moi dans le cas où je me cognerais la tête et perdrais connaissance.Une névrose qui m'avait pris soudainement...
Arrivée en haut de la rue du Pichéry.Une descente un peu flippante assez courte avec à l'arrivée une rue pavée perpendiculaire arpentée par des touristes amateurs de vieilles pierres.Je tergiverse sur quelques mètres, chaud? Pas chaud? La prendre, c'est d'abord checker dans le dos que la voie soit libre et y aller. Pour les néophytes, une descente se prend ou ne se prend pas.Une fois lancé, on s'arrête pas, on attend la fin en serrant les fesses en évitant le "speed wobble", cet effet de physique qui se traduit par une accumulation de force due aux vibrations des trucks rendant le skate incontrôlable. Chute inévitable.
Finalement, j'ai les fois et je descends à pieds façàn pleutre car je suis raide comme un bouc. J'ai encore zappé les étirements avant de partir par faignantise.
Une fois en bas, l'environnement se fait un poil plus urbain malgré les trottoirs merdiques de type médiévial.
Enfin, trois-cent mètres plus loin, le bitume devient correct.C'est le grand parking dit de Glacière, chef-d'oeuvre de la marré-chaussée qui accueille les touristes en été et le marché le samedi. Délice asphaltique ça roule, enfin !
Au bout du parking, se dessine le spot.L'unique structure skatable du patelin.L'édifice dont je dois me contenter est mal branlé mais on s'en accomode en dépis d'un revêtement fait d'un ciment de sable de mer et de petits coquillages très mignons. Riche idée ce look balnéaireque à la texture toile Emeri.La rumeur dit que Damien, le gars qui l'a designé l'aurait fait exprès dans le machiavélique dessein de rameuter les jeunes dans son park privé. Plausible. Les bretons ça ose tout...Ce subtile mélange merdeux et sa rugosité en font un véritable instrument de torture tant pour les sept couches d'érable que notre derme chéri. Là dessus, on a pas envie de se coûter et ça limite la donne car skater c'est tomber...
Mais je reste, je skate pépère. Dans ma tête c'est une 411, en vrai c'est France 3 Bretagne. Je croise crevards et vielles dames traînant des petits chiens qui caguent hâtés par leur mémé. Après une bonne suée et un drainage salvateur, je rentre. J'ai perdu un kilo ou plutôt un litre que je récupère aussi sec à base de Badoit tiède car j'ai oublié de mettre la bouteille au frais en partant. Je suis vidé, calmé mais aussi un peu ruiné surtout au niveau des tibias. La marque de celui qui rate ses ses tricks.
Je fais un rapide débrief de la sess dont la conclusion n'est pas glorieuse. Pourquoi je décolle plus putain! Où qu'il est le pop? Et cette jambe arrière qui pèse une tonne...Ingratitude d'une passion de trente ans.
Pour l'adolescent fripé que je suis, rien ne sert de mourir,il faut pourrir à point. Alors je m'étire comme j'ai vu sur Youtioube pendant au moins trois minutes. Puis quand je passe devant le mirroir de la salle de bain, tiens! je remarque que mes pattes d'oie se sont creusées. Mes poils d'oreilles se manifestent. Faudrait que je m'y colle ça fait pécore. Je ne m'attendais pas à commencer à vieillir à cet endroit.Là au dessus du lobe...Cela commence souvent par des verrues et des poils m'avait t'on dit il 'a longtemps.
Je terminais une éval négative sur Trip Advisor d'un snack foireux que j'avais test' à mon arrivée.Une sorte de Cyber café très "2000" qui propose en plus de l'ADSL à volonté des plats vitrifiés de type Tricatel.Ca finissait comme ça: " Malgré une cuisine de qualité industrielle et un accueil un peu frisquet, les encas proposés restent tout à fait mangeables. Petit bémol pour les prestations internet mise en avant dans ce commerce car si le débit de boisson est absent, celui du net l'est aussi..."
Le patron avait tenté une réponse fine et cinglante mais a fait un flop. Au cynisme je le battait avec un bras dans le dos.
Ici c'est Kemper pas Santa Monica...Spots celtiques graniteux.Ca roule que dalle.Skaters anémiés.Carrence de bitume. Ah ouais "la pluie de mouille que les cons"? Alors pourquoi t'as un parapluie connard!
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